Pour la première fois dans l’histoire moderne, les cérémonies de pleine ordination des femmes dans le bouddhisme tibétain, soutenues par la famille royale, ont débuté hier au Bhoutan. Djé Khenpo, le chef spirituel de l’école Drugpa Kagyu du Bhoutan, la plus grande école bouddhiste du pays, a présidé une cérémonie au cours de laquelle 146 femmes ont reçu les vœux de Bhikshuni.
Cette initiative est une étape importante pour éliminer l’inégalité entre hommes et femmes au sein du clergé bouddhiste tibétain. Jusqu’à présent, les femmes n’avaient droit qu’à l’ordination de novice, tandis que les hommes pouvaient recevoir la pleine ordination. Il était ainsi établi que les femmes ne
pouvaient pas assumer un rôle égalitaire au sein de l’ordre.
Avec cet événement historique, c’est la première fois dans l’histoire récente du bouddhisme tibétain qu’un Bhikshuni-Sangha – un ordre de femmes pleinement ordonnées – est fondé. Jusqu’à présent, des personnalités de premier plan du bouddhisme tibétain, comme le Dalaï Lama et le Karmapa, se sont prononcées publiquement en faveur de la pleine ordination des femmes, mais n’étaient pas prêtes à instaurer une ordination Bhikshuni pour les femmes dans leurs communautés.
Les bouddhistes bhoutanais pratiquent le bouddhisme tibétain, mais la hiérarchie de leurs communautés monastiques diffère de celle des Tibétains en exil, pour lesquels le dalaï-lama est l’autorité suprême en matière de religion et de politique. Au Bhoutan, cette étape de la première ordination complète pour les femmes a reçu un large soutien aux plus hauts
niveaux de la communauté laïque et religieuse.
Sa Majesté le Roi du Bhoutan, (Drukgyal) Jigme Singye Wangchuk et Sa Majesté la Reine Mère (Gyalyum) Tshering Yangdoen Wangchuck ont été parmi ceux qui ont manifesté leur soutien actif à cet événement. Le roi s’est rendu sur le lieu de l’ordination et a prononcé un discours détaillé dans lequel il a encouragé les moniales dans cette démarche historique. La reine mère a également assisté à la cérémonie et a exprimé son soutien de manière éloquente.
Un tel soutien public de la part des plus hauts niveaux sociaux et spirituels est un bon signe que ce Sangha de Bhikshuni reçoit le soutien social qui lui permettra de prospérer. Bien que le Bouddha lui-même ait accordé aux femmes la pleine ordination et qu’un ordre composé de femmes ordonnées ait prospéré pendant de nombreux siècles en Inde, cette possibilité a été refusée jusqu’à présent aux femmes du bouddhisme tibétain des temps récents
Des témoins rapportent qu’ils ont vu des arcs-en-ciel autour du soleil pendant la cérémonie, qui a commencé au solstice d’été. La cérémonie d’ordination se poursuit aujourd’hui et ne sera achevée que demain. Le plus grand soin est apporté à la réalisation précise du rituel. Selon les règles de l’ordre, les femmes doivent être ordonnées par groupes de trois. Compte tenu du grand nombre de candidates à la pleine ordination, trois jours seront nécessaires pour accomplir les rituels requis pour les 146 nouveaux Bhikshunis. Des plans sont déjà en place pour former les moniales à leur nouveau rôle de détentrices des vœux de Bhikshuni et pour les soutenir en tant que moniales pleinement ordonnées.
La plupart des candidates proviennent de monastères de tout le Bhoutan, quelques femmes sont venues de monastères de pays voisins, une nonne anglaise vit au Bhoutan.
En 2007, lors d’une conférence à l’université de Hambourg, convoquée à sa demande, deux options valables ont été présentées au dalaï-lama pour l’octroi de la pleine ordination aux femmes, conformément au Mulasarvastivada-Vinaya, le code de l’ordre suivi par tous les bouddhistes tibétains. Les érudits du Vinaya qui ont participé à la conférence se sont entendus pour dire que les vœux de Bhikshuni pouvaient être légalement conférés aux femmes lors d’une cérémonie à laquelle seuls les moines pleinement ordonnés de l’ordre monastique bouddhiste tibétain participaient. Cependant, à la fin, le dalaï-lama a déclaré lors d’une audience privée avec les organisateurs de la conférence qu’il ne se sentait pas en mesure, à ce stade, d’imposer l’ordination complète pour les femmes, car les moines des hommes de son ordre tibétain s’y opposent.
La cérémonie d’ordination qui s’est déroulée aujourd’hui au Bhoutan a suivi la première des deux possibilités valables pour conférer les vœux de bhikshuni aux femmes selon les Mulasarvastivada-Vinaya que suivent les bouddhistes tibétains : l’ordination par le sangha des moines hommes uniquement. Après avoir tenu leurs vœux pendant douze ans, les femmes ordonnées aujourd’hui peuvent elles-mêmes, toujours avec les moines masculins,
conférer les vœux de Bhikshuni aux futures générations de femmes, conformément aux règles de l’ordre.
Cette nouvelle historique a été annoncée aujourd’hui sur Facebook par l’organisation monastique centrale du Bhoutan. La cérémonie d’ordination elle-même a été organisée par la Bhutanese Nuns‘ Foundation.
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Jampa Tsedroen (Dr Carola Roloff), Damcho D. Finnegan
